Les différents confinements et couvre-feux imposés par le gouvernement ont fait sombrer plus d’une personne dans l’inertie et la routine du télétravail. Dans cette période sombre pour la création, certains ont décidé d’innover et de lancer de nouveaux projets. Eva Strada fait partie de cette deuxième catégorie. Alors que le monde entier se mettait sur pause, la youtubeuse et graphiste a saisi cette opportunité de se libérer pour se recentrer sur ses envies. Portrait d’une femme pleine d’énergie créative.
Entretien réalisé le 02 mars 2021
Mars 2020. La France vit au rythme des annonces du gouvernement d’Edouard Philippe. Eva, jeune graphiste parisienne de 27 ans, décide qu’il est temps de démarrer une nouvelle aventure. Éperdument éprise de la création, la jeune femme surfe sur la situation sanitaire et ses frustrations professionnelles pour libérer cette énergie créatrice. Son travail ne lui permettait plus de créer et produire autant qu’elle le souhaitait. “J’avais besoin de rester focus sur ce que j’aimais faire, et cette chaîne [ndlr : YouTube] c’était le moyen de continuer à faire des logos, des identités graphiques”. Sa première vidéo “redesign de logo de marques alimentaires” est un succès qui vient couronner son initiative. C’est aussi une source de plaisir retrouvé pour la créatrice. Inspirée ouvertement par Kel Lauren et le coin d’Elodie, elle importe le concept de redesign dans la francophonie. Un style de vidéo devenu incontournable pour les créateurs graphiques. “Je parle beaucoup des redesigns de logo car c’est ce qui nous lie [ndlr : les youtubeurs graphisme]. Mais on reste très très différents dans l’approche graphique et dans le style.” Quelques jours plus tard, ses collègues youtubeurs graphistes, Ballo et Justin Buisson, plus connus qu’elle, publient à leur tour une vidéo autour de ce concept. Une chance pour la créatrice qui concède que “Ballo et Justin ont fait des vidéos de ce type donc l’algorithme m’a boosté et m’a mis dans le panier et ma vidéo a fait énormément de vues”. Comme toujours sur internet, c’est aussi une source de critiques concernant la maternité du concept. Certains diront qu’il s’agit de la rançon de la gloire, d’autres que c’est le symptôme d’un mal plus profond. (Article à paraître le 15/03).
Quoi qu’il en soit, Eva fait fi des critiques. Lancée dans la création, elle va multiplier les vidéos. Alors qu’elle se revendique “passionnée de toutes les formes de créations”, elle s’essaye sur sa chaîne au Do It Yourself (DIY), à la poterie, à la peinture, à la photo… Pour le spectateur comme pour la créatrice, la chaîne est un espace de découvertes et d’expériences artistiques. Eva distribue les références, les conseils, ses raisonnements et réflexions. Une véritable opportunité de se construire une vision et une culture graphique pour les abonnés d’Eva. Sa série intitulée “Métro, Boulot, Logo” illustre parfaitement cet esprit pédagogique. Cette chaîne est un espace d’expérimentations et de liberté.
Si Eva confie que ce projet n’était pas vraiment prémédité, son parcours semble parfaitement cohérent et prémonitoire. Par le passé, pendant sa formation scolaire, Eva avait déjà tenté l’expérience YouTube. Loin d’être une grande fierté pour elle, cette vidéo a construit les fondations de son activité d’aujourd’hui. Pour l’aspect créatif, tout s’est passé comme prévu. Dès le lycée, elle s’oriente vers une formation littéraire option arts plastiques. “Je savais déjà que je voulais faire quelque chose d’artistique“. Elle poursuit avec une école de graphisme pour toucher à son but, vivre de sa passion. Aujourd’hui, la graphiste et créatrice a cinq années d’expériences professionnelles et fêtera bientôt le premier anniversaire de sa chaîne. Un cap qui pourrait l’amener vers de nouveaux horizons. Dans sa vidéo sur ses objectifs de 2021, celle qui est aussi une grande gameuse annonce qu’elle aimerait essayer Twitch et les streams de jeu vidéo. Un moyen d’être en contact avec ses fans et amis, et de renvoyer une image plus proche de ce qu’elle est vraiment. Elle souhaite aussi produire du contenu Lifestyle pour nous en apprendre encore plus sur elle. “Ça peut-être un moyen de me différencier de mes collègues”. Eva est pleine de projets et d’ambitions pour la suite de son parcours sur internet. Le seul hic, des freins à la création qui se font de plus en plus ressentir.
La question de la contrainte semble être le fil conducteur de la chaîne d’Eva. La contrainte sanitaire a amené sa création quand les contraintes matérielles ralentissent son développement. C’est un constat partagé par beaucoup de créateurs et créatrices à leurs débuts, le temps et l’argent disponibles sont comptés. Eva confie qu’elle réalise la plupart de ses vidéos sur ses jours de congé ou tard le soir. Un rythme loin d’être idéal pour être régulier et s’imposer durablement. L’activité artistique de sa chaîne nécessite du matériel et des investissements qui ne sont pas toujours possibles. Une contrainte qui bride une nouvelle fois les projets d’Eva. Faute d’assistant, le compagnon d’Eva assure l’intérim. D’après des sources sûres, il pourrait même être promu modérateur de la chaîne Twitch prochainement. Des contraintes dans la création qui parfois deviennent mentales. Prise dans le jeu des algorithmes et des statistiques, elle concède faire “ proportionnellement plus de vidéos de redesign que ce que j’aimerai”. Sur internet, Eva mène un combat au quotidien pour s’affranchir et des ces contraintes. En ligne de mire, un rêve, celui de l’indépendance et de la liberté totale.
Le B
Les créatrices recommandées par Eva : Kel Lauren (graphiste), Ectomorphe (illustratrice), Le coin d’Elodie (création, lifestyle), Victoria Charlton (crimes), Esile (création, lifestyle), Clara Victoria (mode), Clararunaway (cinéma), Les revues du monde (histoire et archéologie).
Ping :Pour les créatrices, la liberté est encore loin. Autopsie d’un sexisme sur internet – Zulumud