De ses débuts à aujourd’hui, Myriam Manhattan semble avoir suivi la même ligne de conduite. Celle qui la mènera à répondre “il sera fier” à la question, “que se passera t’il si un jour mon père tombe sur ce que je fais” ? La journaliste qui, dans ses vidéos, s’efforce de rendre le rap plus “familial”, est intransigeante sur ses principes. Portrait d’une passionnée de musique qui a toujours mis sa déontologie au premier plan.
Entretien réalisé le 08 Mars 2021
Connue pour son sourire et son rire communicatif, Myriam s’est présentée à nous sous un autre jour. Depuis son salon, elle nous révèle ne pas être au meilleur de sa forme. Depuis plusieurs jours, elle partage sur les réseaux son passage à vide avec ses followers. Sa communauté est une forme de seconde famille qu’elle a construit autour d’elle. La journaliste n’a souvent eu d’autre choix que de garder ses émotions pour elle. “Les gens ils m’ont connu en étant positive et souriante. J’ai l’impression que je ne peux pas ne pas aller bien. On dirait que je dois rendre des comptes aux gens”. Aujourd’hui, Myriam accepte plus facilement de se livrer. Bénéfice de l’âge ou confiance dans son entourage ? Peut-être un peu des deux.
Des sourires, c’est ce qu’elle a toujours voulu offrir. Très jeune déjà, elle voulait pouvoir être elle-même et faire plaisir aux autres. “Vincent Lagaffe, c’est pas un modèle mais, quand je regardais la télé, je me disais, j’aimerai tellement faire des émissions qui font kiffer les gens”. Le monde des médias traditionnels l’a finalement peu inspirée. Daphné Burki et Mouloud Achour en France ou Oprah Winfrey et Ellen DeGeneres aux Etats-Unis ont fait figure de boussole dans son parcours. Avec le temps, elle a découvert l’envers du décors. Cette déconvenue l’a quelque peu fait douter sur ses principes et sur le métier de journaliste. “J’ai envie d’être moi-même, mais est-ce que ça va marcher ? J’ai l’impression que tout le monde joue un rôle”. Loin d’abandonner le métier, elle prend de nouveaux modèles, des personnes qui symbolisent la réussite professionnelle et la générosité. “Mes exemples, ce sont les gens qui arrivent à rendre leur communauté heureuse. Ils se servent de leur carrière et de leur exposition pour faire du bien autour d’eux. En ce sens, Angelina Jolie, 50 Cent ou Eminem sont des modèle pour moi”.
Sa famille et ses proches ont joué, et jouent toujours, un rôle prépondérant dans sa vie et sa ligne de conduite. “J’ai toujours voulu me montrer de telle manière que, ma famille ou une personne qui ne connaît pas le milieu du rap et veut s’informer, puissent regarder”. Au fil de la discussion, elle a souvent mentionné sa mère, son père ou son frère. Souvent pour affirmer sa volonté de les rendre fiers. Parfois pour les remercier de la protéger et de se soucier de son bien-être. Épisodiquement, pour avouer la méfiance qu’ils avaient sur son métier. Plus rares, ces événements ne sont pas restés sans conséquences. Coincée entre sa passion dévorante et la désapprobation de ses parents, Myriam a connu des dilemmes et des doutes profonds. Persuadée de pouvoir en vivre, elle n’a jamais abandonné sa passion. Au point d’entrer en conflit avec ses parents. Le cocon familial était trop lourd, trop castrateur, trop étouffant. Chez elle, elle est vue comme “un oiseau de nuit, une fille de rue”. Pour sa famille, elle ne lâche rien et surtout pas ses principes.
Du doute il y en a eu chez la jeune femme de Nanterre. Dans cet océan incertain, il y avait une certitude. L’amour indéfectible qu’elle porte pour Kid Cudi. L’artiste qu’elle considère comme le meilleur d’entre tous. Un homme, qui va faire germer la vocation qui poussait en Myriam. Un soir, lors d’un concert de l’américain, après des heures d’attente au premier rang du festival Rock en Seine, Myriam en veut plus. Elle veut être cette petite souris qui assiste aux coulisses en toute discrétion. Faute de pouvoir se métamorphoser, elle choisit les études de journalisme. Sa relation à l’école fait écho à celle qu’elle entretient avec ses parents. Un temps passionnelle, elle peut aussi être déchirante. Après avoir sauté une classe à l’école primaire, un évènement important à ses yeux, elle se retrouve à passer le bac avec son frère de deux ans son aîné. C’est un échec pour la cadette qui fait tâche pour la famille et qui augmente la tension. Myriam intègre tout de même son école de journalisme sous réserve d’obtenir son bac ES avant la fin de ses études. Spoiler, elle n’obtiendra jamais ce fameux diplôme.
C’est pendant ses études qu’elle va découvrir Twitter. Confrontée à l’exercice de la revue de presse pour son école, elle décide de publier tous les jours les infos importantes qu’elle lit dans 20 minutes ou le journal Metro sous le hashtag #sachezlemescoco. Un moyen de retenir les informations et de se faire connaître. Même s’il est de plus en plus décrié, elle garde une image très positive de l’oiseau bleu. “Twitter est un de mes réseaux préférés même si c’est un des plus diaboliques. C’est celui qui à l’époque permettait le plus de s’exprimer. C’est Twitter qui m’a mis en lien avec beaucoup d’artistes.” C’est même grâce à un concours Twitter que sa notoriété explose. La voici choisie pour présenter des émissions pour OKLM TV, la nouvelle chaîne de Booba. Dans le même temps, elle commence à créer du contenu sur sa propre chaîne YouTube ou elle importe son concept de “Sachez-le mes Coco”.
Malheureusement, l’aventure chez OKLM ne va pas durer longtemps. Elle estime qu’on ne lui fait pas assez confiance et on ne lui donne pas assez de responsabilités. “J’ai fait deux reportages quand j’étais à l’école mais soit disant là c’est trop compliqué”. Une situation assez décevante et qui amène un nouveau concept culte sur sa chaîne “Les recettes de la hess”. Ces astuces culinaires à bas prix arrivent à un moment où Myriam connaît des difficultés et vit réellement avec peu de moyens. Au détour d’une conversation avec Wesley, son ancien employeur de Vrai Rap Français, elle apprend que le média Booska P serait intéressé par ses services. Dans la journée, elle “débarque” dans leurs bureaux. La suite, c’est l’explosion pour la journaliste. Elle devient l’une des figures de proue de la chaîne youtube de Booska P. Avec le concept d’interview “Épicé mais pas trop”, elle renvoie les rappeurs dans leurs derniers retranchements grâce aux piments les plus forts de Paris. Elle publie une vidéo où le rappeur Fianso, toujours dans les bons coups, lui vole sa caméra lors d’un événement. La séquence devient virale. L’aventure semblait trop belle pour Myriam qui était comme un poisson dans l’eau. S’en suit des fortes tensions et désaccords entre la jeune femme et Booska P. Myriam quitte finalement la chaîne mais décide que sa chaîne sera en grande partie dédiée aux coulisses d’événements ou de festivals. Elle laissera tout de même un héritage au sein du média.
Après être passée chez TF1 pour présenter la quotidienne de 50 minutes inside, Myriam a rebondit chez MTV où elle est devenue animatrice. Une expérience pour des très grands médias qui l’ont d’abord perturbé. “Au début, je voulais trop estomper mon ton personnel. Très vite on m’a dit, “Nous on veut la vraie Myriam Manhattan”. Une vraie reconnaissance pour celle qui avait toujours cherché à conserver sa manière de faire. Encore à l’école de journalisme, elle s’épanouissait mais voyait que ce même ton posait problème. Elle ne voulait pas se dénaturer et revêtir un style qui n’était pas le sien. “Je suis très contente que, sans jouer de rôle, sans copier quelqu’un, j’ai réussi à être appréciée”. La route est encore longue pour Myriam mais elle est particulièrement fière d’être acceptée par le public et dans son milieu avec ses principes. “Je voulais montrer aux gens que l’on peut réussir en partant de rien. Face à la caméra ou en dehors, je reste la même. J’étais une petite fille qui rêvait beaucoup et on m’a toujours dit, “arrête de rêver, arrête de rêver”! J’ai toujours cru en moi”.
Le B
Créatrices recommandées par Myriam : FannyLng (illustratrice), Julia Conyedo (mode) et Nesrine Laoui (journaliste, écrivaine et présentatrice).
Dédicace de Myriam : dédicace à une femme exceptionnelle mais très discrète sur les réseaux sociaux. Elle travaille dans l’ombre pour un gros média américain et gère les relations presse et artistes. C’est celle qui m’a donné la chance de rencontrer des artistes aux États-Unis. Sans réellement le savoir, elle m’a beaucoup apporté. Pour toi Laura si tu lis cet article.
Ping :Pour les créatrices, la liberté est encore loin. Autopsie d’un sexisme sur internet – Zulumud