Naples, entre beauté et violence
Naples, entre beauté et violence

Naples, entre beauté et violence

Cité millénaire baignée par le soleil et la mer Méditerranée, Naples nourrit les fantasmes des étrangers depuis longtemps. Dernière idée préconçue et largement relayée par la série Gomorra, la troisième métropole d’Italie ne serait qu’un infâme refuge de dealers, tueurs et autres mafieux. Nous sommes allés sur place pour essayer de capter la véritable identité de l’antique Néapolis.

Naples a tout pour plaire aux touristes. Son histoire est riche, influencée par les grecs, les romains et le catholicisme, sa météo est clémente de janvier à décembre et ses kilomètres de côtes sont idéals pour se rafraîchir en été. Il suffit d’observer les cartes postales qui la présentent avec le Vésuve en arrière plan pour se convaincre que Naples est un énième repaire à touristes étrangers, comme Rome, Florence ou Pise. Après tout, Naples concentre autant d’églises que Rome, il y fait la même chaleur étouffante qu’à Florence en été et on y trouve autant de vendeurs de souvenirs kitchs et bon marché qu’à Pise. Ce serait pourtant une insulte aux Napolitains que de comparer leur sulfureuse métropole à toutes les cités policées du nord de l’Italie. Naples est une ville unique en Europe : une oasis de vie aussi sanguine que sanguinolente, modelée depuis des années par la violence, la pauvreté mais aussi par la foi et la solidarité de ses habitants.

Si résumer Naples à sa violence serait malhonnête, il est vrai que la ville souffre d’un charme bigarré. Quand on évoque la troisième métropole d’Italie, il ne faut jamais se fier à notre première impression, pas plus qu’à sa réputation. Le touriste étranger, nourri par ses préjugés, ne verra à son arrivée que les murs sales et les amas d’immondices qui jonchent le sol. Il ressentira de l’insécurité en voyant les bandes de jeunes adolescents qui traînent sur la Piazza Garibaldi, en face de la gare centrale. Et effectivement, certains clichés se confirment à peine sorti de l’aéroport. Oui, la ville est sale. Que ce soit dans la banlieue ou dans le cœur historique, les déchets sont partout. Les poubelles sont remplies à ras bord en attendant indéfiniment d’être vidées et la fange se déverse dans les rues de nombreux quartiers comme pour sacraliser un peu plus l’impureté de cette cité maudite. Oui, la ville peut-être dangereuse. C’est dans l’arrière pays napolitain que sont apparues les premières formes de mafia dès le XIVe siècle… La camorra est une omniprésence invisible dans les rues de Naples. Il suffit de lire le best-seller de Roberto Saviano (Gomorra : dans l’empire de la camorra, Gallimard) pour comprendre à quel point la mafia contrôle tous les aspects de la vie des Napolitains. Elle se substitue à l’autorité de l’Etat dans quasiment tous les secteurs économiques. Cette ombre menaçante peut refroidir certains touristes étrangers, au même titre que la saleté de la ville, peu accueillante pour des vacances en famille.

Naples a pourtant tellement plus à offrir. Le centre historique respire la vie. Dès 8 h du matin, les artères bourdonnent de monde. Chaque coin de rue peut être le théâtre d’une scène de vie napolitaine : le marché de quartier, où l’on trouve fruits et légumes frais n’importe quel jour de la semaine, le linge suspendu entre deux immeubles, les autels de prière disséminés dans les allées de la cité, symbole de la foi profonde qu’entretiennent les napolitains. Moins touristiques que ses cousines de Toscane et du Latium, Naples est aussi moins superficielle. Les couches de vernis dorées des églises toscanes et le luxe des musées romains laissent place à des bâtiments dégradés par le temps et les tags. Comme ses habitants, la ville est sauvage, fougueuse, indomptable. Le centre est un joyeux mélange de faubourgs populaires et de quartiers nobles. C’est une des rares métropoles d’Europe de l’Ouest à avoir conserver des ghettos populaires dans son centre-ville. Imaginez voir Barbès ou la Goutte d’Or en plein centre de Paris. Cet aménagement du territoire paraît inimaginable en France, où les pouvoirs publics ont relégué depuis bien longtemps les classes populaires aux périphéries des grandes métropoles. A Naples, traverser un boulevard peut vous faire passer d’un quartier touristique de la vieille ville à un quartier populaire entièrement bétonné. La même rue peut abriter des trésors architecturaux de la Renaissance et une population désœuvrée vivant sous le seuil de pauvreté.

Ce melting pot social est l’essence même de la ville. Il en résulte une atmosphère indescriptible mais tellement agréable. Visiter Naples, c’est se sentir vivre pleinement. Pour beaucoup de touristes, cela permet de sortir de sa zone de confort, découvrir de nouvelles personnes, une autre manière d’aborder le quotidien. Nous ne sommes qu’à une dizaine d’heures de route de la France ou de l’Allemagne mais tout semble si différent. Naples possède une âme unique, liée aux classes populaires qui la peuplent, à la beauté de ses paysages et à l’omniprésence de la camorra. La pauvreté et la misère profonde qu’elle renferme ne sont lui sont pas propres. Cette même détresse économique et sociale n’est pas une exception napolitaine. On la retrouve dans toutes les grandes villes européennes car elle est directement dû à la gestion des États et aux politiques d’austérité. Mais ailleurs, en France, en Angleterre, en Allemagne, cette pauvreté est reléguée aux périphéries, loin des yeux et loin du cœur des touristes étrangers. En restant bien implantée dans le centre historique, la misère napolitaine nous montre l’horrible visage balafré du capitalisme. C’est cela qui fait la beauté de Naples.

Le W

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